De ma lecture du livre de John Kenneth Galbraith

« the economics innocent fraud » 2004

éditions Grasset

 

 

 

Un petit livre , aux caractères lisibles, à l’écriture fluide, au raisonnement compréhensible pour le « vulgaire »… et pas cher !

Un regret : la traduction du titre « oublie » le paradoxe de « l’innocence » du mensonge.

L’homme est mort en 2006, à 98 ans. 

Mes commentaires sont rédigés en italiques.

 

En introduction, l’auteur insiste sur le fait qu’il existe un décalage entre le monde réel et l’idée que l’on s’en fait, selon des schémas d’analyses économiques devenus obsolètes et que l’on se garde de réactualiser trop vite parce qu’ils servent aux intérêts des gens en place.

Il explique aussi que le système en place est celui de la « société anonyme » dont les propriétaires (fondateurs, actionnaires-administrateurs ou petits porteurs boursiers) ont confié la gestion active, donc le pouvoir aux « directeurs » (c’est-à-dire aux cadres dirigeants).

Pour la France, ce transfère s’affiche dans les années 80, les « années fric » selon l’expression communément admise.

Dès lors, le mensonge peut commencer, petit arrangement avec la réalité pour que chacun (de puissant et ambitieux) puisse y trouver son compte sur le dos des autres. Sachant que le mensonge est « innocent » car il ne relève pas du code pénal mais du « communément admis, dans les sphères autorisées » (pour plagier Coluche) avec un certain sentiment de suffisance d’autosatisfaction.

 

1er chapitre : Qu’est-ce qu’un mensonge innocent ?

C’est ce que j’appelle la « pensée unique ». Car il s’agit du formatage intellectuel à travers le monde et à travers le contenu de l’enseignement supérieur de certaines grandes écoles (notamment les « grandes écoles » pourvoyeuses de « grosses têtes » dans les très grandes entreprises et les « grands corps constitués »).

L’auteur évoque, lui, les propos fallacieux, voire « rituels »,  issus de l’enseignement traditionnel de la matière « économie ». Ces propos sont ensuite repris et largement diffusé par ceux qui en tirent bénéfices, à titre personnel (genre « les stock-option, c’est pour le risque et la difficulté à piloter une société internationale et que la protection sociale du dirigeant n’existe pas en cas de licenciement » ce qui n’est pas tout à fait vrai) ou collectif (genre « bouclier fiscal » pour faire revenir les grandes fortunes en France, ce qui est faux, car une loi votée peut-être abrogée par une nouvelle assemblée après un changement de majorité après des élections). Le plus « drôle » étant que l’enrichissement personnel ne soit qu’un effet secondaire de ce que ces gens parviennent à obtenir. Ils cherchent avant tout à être reconnus avec un statut particulier (au sens « privilèges » sous l’ancien régime. Ex : tout le monde peut être condamné à mort mais le vilain est écartelé, le noble décapité. Le vilain paie en argent (impôt), le noble paie par le sang (la guerre)).

 

2ème chapitre : et le système fut rebaptisé.

Le principe, et pas qu’en économie, veut que le chef, le pouvoir soit au sommet de la pyramide.

Jusqu’à présent, dans le domaine économique, la place était tenue par les propriétaires du capital, d’où le terme « capitalisme » (pour le plaisir de l’Histoire, souvenons-nous du discours communiste sur les 200 familles de France qui exploitent les ouvriers). En réaction aux trop grandes fortunes détentrices de pan entier de l’économie, à l’intégration verticale et monopolistique, vues comme sources d’exploitation des ouvriers et de destruction du système, les Etats-Unis d’Amérique ont mis en place les lois anti-trust et la Federal reserve.

A la suite du crack de 1929 et autres scandales, le mot « capitalisme » ne faisant plus recette, trop rude socialement, l’Europe trouva le terme de « sociale-démocratie » tandis que les Etats-Unis trouvaient celui de « l’économie de marché ».

Le mot «  marché » rassure, c’est physiquement intelligible et cela laisse croire au client qu’il est libre de consommer. Il achète, s’il veut, quand il veut, s’il en a besoin … Or c’est là que le bas blesse car la réclame, puis la publicité et enfin, le marketing sont passés par là et ont su créer le besoin (du genre : pour être à la mode, moderne, actif, à l’image de … il faut avoir  … « un frigidaire, un service à dessert …/… et une pelle à gâteaux » pour plagier Boris Vian.

 

Donc : le marché ne décide pas, il subit ET le propriétaire du capital n’a plus le pouvoir, les cadres dirigeants sont les maires du palais.

 

Désormais, ce sont les cadres dirigeants qui tiennent la place et l’on entend depuis, le terme «économie de marché » ; c’est poli, propre sur soi, mais vide de sens ! C’est çà l’escroquerie.

Cela me rappel le principe de la musique baroque : les notes semblent fuser dans un joyeux désordre et le résultat est époustouflant mais rien n’est plus exigeant que cette écriture-là : une fugue doit être bien synchronisée et la musique doit servir le texte. Un bon escroc se doit d’être plus intelligent que la moyenne.

 

3ème chapitre : L’économie, discipline complaisante.

Ainsi, Le consommateur serait le souverain du marché. Son seul ennemi : le monopole. En outre, le monopole est doublement néfaste : pour le consommateur et pour ses salariés car unique employeur du secteur. Les lois anti-trust ont éloigné le danger à tel point qu’on le croit disparu et que personne n’a véritablement réagit lorsque Microsoft s’est trouvé confronté aux juges.

L’idée répandue est que le citoyen est souverain par l’urne tandis que le consommateur est souverain par la courbe de la demande. Or dans les faits, les deux souverainetés sont contrariées par la « bonne gestion » de la réaction du public … Il suffit de se souvenir de campagnes de presse bien orchestrées pour orienter l’opinion publique (les sondages politiques commandés par tel ou tel, le flicage et les restrictions diverses sur le minitel puis sur Internet bien servis par les affaires de pédophilie …)

Ceux qui tentent d’échapper au système passent pour être d’incroyables hurluberlus, voire des êtres particulièrement subversifs.

 

Pour mesurer le progrès social, nous en sommes venus à élaborer un instrument magique le PIB, ce fameux Produit Intérieur Brut, somme hétéroclite de tout ce qui se produit dans le pays ; le meilleur (alimentation ,médicaments) comme le pire (Armement, pesticides …), les biens comme les services. Ce qui n’a pas vocation à avoir une valeur marchande en est exclu, ce qui pose un problème quand on connaît les grands compositeurs, les génies de la littérature, les artistes de grand renom.

 

4ème chapitre : Le travail, un monde en trompe l’œil.

Pour la majorité, le travail est une nécessité, quelque soit la pénibilité car il permet de satisfaire les besoins de base (manger, se loger, s’habiller) plus quelque petits plaisirs. Mais aussi, le travail donne de la reconnaissance sociale. Pour s’offrir le petit plus, il faut savoir donner un coup de collier (travailler plus pour gagner plus, vous connaissez ?) et là se décrit « l’amoureux du travail ».  Il faut se méfier de ces mots ! Ils vous sont offerts par ceux qui disent vous admirer pour cela MAIS se gardent bien de pratiquer la chose : vos supérieurs hiérarchiques, certains politiciens. Les supérieurs hiérarchiques vont mêmes jusqu’à profiter de votre passion pour alimenter leurs courbes d’efficacité de leur service et donc mieux négocier leur propre salaire et en tirer un bénéfice social supplémentaire. Et il y a comme un effet démultiplicateur au fur et à mesure que sont gravis les échelons. La besogne y est moins rude mais le bonheur au travail est là. Encore une escroquerie !

Ayant glorifié le «  bon travailleur » un travail de sape est réalisé pour dénoncer celui que l’on désigne comme paresseux voire pire, le profiteur. Le profiteur « a réussi » à ne vivre que des subsides publics, au dépend des autres, bien sur !

Or, dès 1899, l’auteur Thorstein Veblen dans son livre « théorie de la classe de loisir », s’en prend violemment aux classes aisées américaines qui selon lui, pratiquent ce même parasitisme tant décrié lorsqu’il concerne les plus pauvres !

 

Le dégagement de temps libre est un signe de pouvoir dans le monde du travail. Ce qui est bon pour les riches ne l’est pas pour les pauvres ! Ben tient !

 

5ème chapitre : L’entreprise : une bureaucratie.

Oui, mais il ne faut pas le dire ; c’est grossier ! Cela rappel trop l’Etat et sa réputation malsaine d’incompétence et d’inefficacité, voire la paresse de ses fonctionnaires … Il convient alors d’employer le terme de MANAGEMENT.

Dans une grande entreprise multinationale, il faut beaucoup de ressources pour coordonner tout cet ensemble complexe et il faut de la motivation, de la sueur et des compétences pour gravir tous les échelons. C’est la preuve qu’une bureaucratie existe mais il faut laisser ce terme vulgaire aux services de l’Etat.

Or, pour être reconnu dans cette « usine à gaz » il faut avoir de nombreux collaborateurs sous ses ordres ; il vous donnent de l’importance et vous permettent de recevoir encore plus de rémunération. Donc, les services ont la dangereuse tendance à croître de façon quasi-exponentielle. Une vraie bureaucratie telle que décriée dans le monde public !

 

Comment en arrive-t-on là ? Parce que le monde est complexe et que le schéma de la PME ou de l’exploitation agricole familiale nécessitant un dur labeur pour ses propriétaires n’est plus une réalité économique. Tout est plus grand et complexe ! Tout ce qui est petit et né d’une innovation est immanquablement amené à grossir et connaître la fameuse bureaucratie pour trouver les talents lui permettant de croître et se pérenniser et cela s’accompagne de la dépossession du pouvoir du propriétaire au profit des directeurs généraux.

Donc, tout ce qui fait croire que le conseil d’administration ou l’assemblée générale peut quelque chose est un vaste mensonge. Il faut néanmoins conserver les apparences. Parfois les gens se rebiffent et cela donne des AG assez mouvementées surtout quand des associations d’actionnaires minoritaires tiennent la main ! Gardons donc cette belle chose !

 

6ème chapitre : Le pouvoir dans l’entreprise.

Il y a donc cette « société multinationale » figure emblématique de l’économie moderne, avec des compétences pointues et des ambitions qui ont patiemment gravis les échelons. Exit donc les propriétaires du capital : d’autres prennent les décisions. Du coup, les directeurs généraux s’octroient des rémunérations à la hauteur de leur prétention, sans corrélation parfois avec la cotation boursière ou la progression de la part de marché de l’entreprise (souvenons-nous de J.M. Messier et l’aventure Vivendi-Universal, entr’autre).

 

7ème chapitre : Le mythe des deux secteurs.

Il s’agit du monde de l’économie, domaine privé, face au monde politique et ses interventions publiques chez le premier, pas toujours bien vues ni bien tolérées. Ces interventions relèvent de l’action sociale : santé publique, sécurité sociale, retraite, logement social.

Or, il est des interventions dont il est inconvenant de parler : les marchés publics, tels que l’armement et les matériels militaires. Certes, il s’agit de la défense, pouvoir régalien mais les montants en jeux sont si important qu’ils sont vitaux pour les « fournisseurs ». Ces mêmes fournisseurs proposent leurs nouveautés et le ministère de la défense « fait son marché » en fonction du pouvoir de persuasion du lobby de l’armement concerné. Bref, l’industrie propose, le ministère opte et l’industrie dispose des commandes, des bénéfices… en échange par la suite de postes et fonctions grassement rémunérées pour le « recyclage »  des fonctionnaires de la défense ou des parlementaires. Cela va jusqu’à la substitution des troupes militaires sur le théâtre d’opération, telle la guerre en Irak (commandos, formation des troupes locales, protection rapprochée).

Si la dénonciation de la mainmise du secteur privé sur le ministère de la défense existe depuis le président Eisenhower, le « mal » s’étend aujourd’hui aux relations diplomatiques, au ministère de l’environnement, au trésor « public » …

 En France, suivre la carrière de certains directeurs de cabinet et autres attachés, révèle  leurs allées et venues dans les deux mondes. La lecture de curriculum vitae et la composition de conseils d’administration valent leurs pesants d’or.

 

8ème chapitre : Le monde de la finance.

Il s’agit des banques, des agences d’analyses et de conseils sur la prospective économique.

S’il est une chose VRAI, c’est qu’il est impossible de prédire l’avenir … même dans le domaine de l’économie. Les cycles, les récessions, les dépressions et autres sont imprévisibles. Pourtant des entreprises, des gourous et autres spécialistes se font payer des ponts d’or pour prédire l’avenir … Certaines agences vont même jusqu’à faire de la prospective entraînant une notation favorable des entreprises susceptibles de bénéficier de l’essor du secteur et achetant, via leur branche « fond de pension » des titres dopés qu’elles revende dès leurs objectifs de cours atteints …

Par contre quand cela va mal, il y a toujours un coupable identifié : le marché, le vol et absence de contrôle des pouvoirs publics … Le remède est rude mais éprouvé : le dégraissage massif… surtout des forces vives de production de l’entreprise, l’ouvrier, le salarié de base. Alors que se sont les dirigeants qui devraient cédés leurs places pour leur absence de jugement ! Souvenez vous d’AIRBUS, EADS et tant d’autres par le passé !

 

9ème Chapitre : l’élégante esquive de la réalité.

La Fed, la banque centrale américaine est dans le collimateur de l’auteur : elle ne sert à rien !

C’est un peu comme un temple où les grands prêtres consultent les auspices (rapports, courbes, statistiques etc.). Le seul domaine ou le jeu des taux directeurs influe, c’est l’immobilier. Les chiffres sont là, têtus.

 

10ème chapitre : Chefs d’entreprise, la fin de l’innocence.

Si les directeurs des entreprises multinationales se sont emparés du pouvoir et de l’argent par des rémunérations scandaleuses, c’est par la démission ou l’absence de contrôle des propriétaires et des cabinets d’audit… Le scandale du Crédit Lyonnais est là pour l’exemple français, version entreprise sous contrôle de l’Etat. La crise des « subprimes » est là pour illustrer le propos…

Il faut que cesse le pillage, le détournement de fonds et la complaisance qui nuisent à l’intérêt général … La dépénalisation des infractions économiques n’est pas pour aller dans le bon sens !

Il faut réglementer fermement ! Allez dire cela à Reagan et à Bush ou à Donald Rumsfeild !

Avec Obama, cela sera aussi bien difficile alors que les Anglais ont, eux, nationalisé leurs banques les plus défaillantes. Il faudra aussi régler le problème des paradis fiscaux qui « pipent » le jeu économique, tout comme le recyclage de l’argent sale des mafias…

 

11ème chapitre : La politique étrangère et militaire.

Quand l’intérêt privé investit le domaine public, il travaille à ses seuls intérêts… privés.

Ainsi, durant la Seconde guerre mondiale, les bombardements sur les usines d’armements allemandes, contrairement aux idées reçues, n’ont pas empêché le doublement de la production ! La croyance seule prévalait car elle permettait la vente massive de bombes !

Voilà l’inconvénient de favoriser le « complexe militaro-industriel » comme le disait déjà en son temps le général puis président Eisenhower.

 

12ème chapitre : Le mot de la fin.

Nous sommes passé du capitalisme à l’ère des Directeurs Généraux, comme une « fleur »…

Les chiffres de l’économie et de l’intérêt public s’alignent sur ceux des activités des entreprises : « ce qui est bon pour notre entreprise est bon pour le pays » ! … Or cela nuit gravement sur l’environnement, la politique internationale via la défense etc.

Les excès sont possibles du fait du manque de contrôle et avec quelques scandales bien sentis, la population pourrait se révolter contre le système surtout s’il est mal vécut dans le monde du travail.

Ensuite, les charlatans de la prospective aux revenus doublement indus (pont d’or pour une vente de vent), les réductions d’impôts en faveur des nantis (entreprises, actionnaires…) ne sont pas profitables à l’intérêt général.

Une seule chose est bonne : le soutien par tout moyen de la consommation car c’est elle qui alimente la « machine ».

Mais la plus grosse crainte de l’auteur est la recrudescence des conflits à cause de ces fichus entreprises qui veulent des choses à tout prix… même sur notre dos et sur notre vie.

 

Mamouchka. 

 

 

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Une réponse à De ma lecture du livre de John Kenneth Galbraith

  1. Bonsoir mamouchka,
    c’est toujours la réalité en 2009, seule clé d’entrée pour les décisions : la rentabilité maximale ; une finalité : le maximum de profit dans le temps le plus court…la finance supplante l’économie ou le commerce.
    Livre riche et bonne synthèse,
    Philippe

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