Voici des réflexions qui me viennent à la sortie d’un conseil de classe (école primaire).
Dans un premier temps, je vous rapporte témoignages et constatations des enseignants.
De plus en plus d’enfant ont de plus en plus de mal à se concentrer dans les activités scolaires.
Ils ne savent pas s’écouter les uns les autres, au risque de poser la même question dans la seconde qui suit la réponse de l’enseignant. Seule, la consigne du maître est entendue lorsqu’elle s’adresse en particulier. Le groupe « classe au travail» n’existe plus. Il y a une juxtaposition d’enfants et non plus un groupe en collaboration.
Pour la maturité, il était admis que les élèves se « fixaient » durant l’année de CE2.
Or cette année, pour la première fois dans une classe de CM2, l’enseignante déplore le manque d’attention de 6 enfants pour un effectif total de 25.
L’attention aux leçons et l’anticipation pour la préparation de paquetage aux activités sportives qu’ils affectionnent pourtant, est limitée. Ils sont constamment en mouvement sur leur siège et ne savent pas persévérer et encore moins être perfectionniste dans leurs travaux, scolaires ou non.
C’est le règne du « çà ira bien comme çà ».
Une autre tendance se dessine : la fatigue.
Elle s’explique différemment dans les familles :
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télévision, tard le soir de la semaine mais, aussi, tôt le matin, avant de partir.
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longue journée pour ceux que les parents déposent à l’école dès 7h30 et récupèrent à 18h30… Comment enchaîner sereinement accueil, scolarité, études dirigées, soutien éventuel puis accueil ?
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Emploi du temps chargé les jours de repos (activités « sports et loisirs » les mercredis et samedis, sorties le dimanche)
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Programmes scolaires chargés dans un minimum de temps…
Le seul temps de concentration sans faille se constate devant l’écran informatique ou télévisé.
D’où cela vient-il ?
Des études démontreraient que la télévision regardée avant l’âge de 3 ans engendre une régression intellectuelle des bambins par manque d’interactivité avec une personne physique.
Le mode de vie et le temps de travail des parents ont des incidences graves, me semble-t-il, sur l’évolution des enfants.
A savoir : que le temps est compté pour chaque tâche. Il n’existe pas de temps « mort ». Il est demandé d’être polyvalent (genre multi-tâches généraliste) ou spécialisé à l’extrême.
En conséquence de quoi, les adultes reportent leur manque de temps sur leurs rejetons en exigeant d’eux une « autonomie » précoce. Les enfants se doivent d’être autonomes pour se lever (avec un réveil ou un bisou), se laver (au gant le matin après la douche de la veille au soir), s’habiller et manger en « picorant » dans un bol de céréales, une barre chocolatée, un yaourt, un biberon… Mais rarement devant une table préparée par un adulte (tartine de pain beurrée, bol de chocolat chaud…).
Il en va de même pour les devoirs qui se font seul, en études surveillées (par un adulte non enseignant) ou dirigées (avec le contrôle du travail fait et compris).
C’est lié au fait que les parents ne sont plus disponibles : ils rentrent tard du travail (voire exercent une activité aux horaires décalés), sont épuisés de leur journée et doivent en enchainer une autre : celle de l’intendance domestique…
N’accablons pas les parents ! Salariés, ils subissent eux aussi les bouleversements que l’on connaît et que nombres de médecins du travail dénoncent… Non-salariés, ils subissent les exigences du « marché ».
Cependant, il faut comprendre que les enfants ne sont pas prêts pour utilement faire face à une telle exigence d’autonomie. La maturité attend le nombre des années !
La révolution industrielle est passée par là, en terme d’équipement et de confort. Malgré tout, ce constat raisonne comme un écho aux descriptions sordides du faubourg ouvrier lorsque les parents travaillent (60 h par semaine à l’époque), confiant leurs enfants aux nourrices ou à la vigilance des commères du quartier. Ils deviennent, en l’absence de scolarité contraignante et précoce des « poulbots » ou du « sirop de la rue »… Ne se plaint-on pas de nos jours du « jeune » qui traine dans la rue à des horaires indus ?
Il faut être riche pour s’en désoler, et suffisant aisé pour ne pas connaître au plus près la vie des quartiers… En forçant le trait, je dirais que certains beaux penseurs se plaignent du manque d’éducation des enfants des leurs employés alors qu’ils exigent des mêmes parents des contraintes incompatibles avec leur vie de famille…
Ce qui a changé, c’est que le quartier ne regroupe plus les habitations et les activités économiques. Tout est sectorisé, spécialisé. La pression sociale du quartier n’est plus là pour épauler les familles. Les diversités culturelles n’arrangent pas forcément les regards des uns sur les habitudes éducatives des autres.
L’école maternelle a été une réponse à ces problèmes dans les quartiers ouvriers des municipalités « rouges », sous l’action de Marie Pape-Carpantier et de ses émules. Maintenant, pour des raisons officielles de coûts, les maternelles sont en voie de disparition, en terme d’accueil des tous petits et en terme de brassage culturel…
Il me semble que nous allons revenir à cette détestable époque :
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Les parents ont « besoin » de travailler tous les deux
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Les horaires décalés se multiplient
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La polyvalence casse la spécialisation du technicien et rabaisse le taux horaire du salaire
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La faiblesse des salaires débouchent même parfois sur des revendications féministes « égalitaristes » pour le travail de nuit, ou celui du dimanche, parfois source de primes… aggravant le préjudice des générations futures.
Mamouchka.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Marie_Pape-Carpantier
http://cartables.net/ressources/Maternelle/
Le temps de télévision est un problème reconnu mais l’absence de temps de repos, de périodes calmes pour tout le monde dans la famille est un point majeur du stress actuel. Le discours d’entreprise est en cela révélateur, pas de « temps mort » sauf que l’être humain ne peut pas être à 100 % tout le temps.
Philippe
Terriblement juste et noir.
Merci pour ce billet.
Les choses ne vont pas s’arranger avec l’ouverture des grandes surfaces le dimanche ! Ceci, pour ceux qui y travailleront, comme pour ceux qui y feront leurs courses.
L’augmentation des temps de transport, la « mobilité » devenue obligatoire pour les adultes, tout cela non plus ne va pas dans le sens de la construction d’une vie sociale et familiale.
Autres points:
– la désaffection des bibliothèques et des librairies.
– la multiplication des chaînes de télévision, accentuant le phénomène de zapping
– les jeux vidéos à haute doses, non contrôlé
– l’exigence d’immédiateté, de la disponibilité à tout moment (télécommunications)
– la satisfaction immédiate des « exigences » ou d’information, ne laissant la place ni au désir, ni à l’attente, ni au travail de recherche
Il faut que les parents s’approprient leur rôle, et comprennent qu’il est « normal » de « frustrer » ces chers petits. Notre société ne les aide pas. C’est vrai qu’il va falloir être moins exigeants avec eux, si on suit les discours de notre ministre de l’éducation (pauvres terminales S, qui avaient trop de travail !)