Nous disposons actuellement de la Cour des Comptes, de 22 Chambres des Comptes Régionales (et des Cours Territoriales des Comptes pour les TOM-DOM), et d’autres juridictions (Le Conseil des Prélèvements Obligatoires, La Cour de Discipline Budgétaire et Financière) tandis que d’autres demeurent en sourdine (le Comité Central d’Enquête sur le Coût et le Rendement des Services Publics et le Conseil des Impôts – cf. partie réglementaire du code des juridictions financières- ) malgré la présence de titres qui leurs sont dévolus dans la « partie législative » du code des Juridictions Financières.
Jusqu’au 31/12/2008, dans leurs ressorts territoriaux respectifs, entraient dans les attributions de la Cour des Comptes de Paris et celles des 22 régions :
– l’audit des comptes de collectivités ou d’établissement public, sorte de surveillance administrative
– un rôle juridictionnel pour tout manquement à la bonne gestion des comptes publics par des comptables.
La Cour des Comptes de la République surveillait l’Etat tandis que les Cours Régionales surveillaient les collectivités territoriales locales.
Par ailleurs, une collaboration était possible, à discrétion des Cours Régionales, pour auditer avec la Cour des Comptes de Paris, des administrations de l’Etat ayant des délégations en région.
Enfin, dans le cadre de l’activité juridictionnelle, la Cour des Comptes de la République recevait les appels formés sur les décisions des Cours Régionales.
1. Evolutions :
Les Cours Régionales, jusqu’au 31/12/2008 :
Les Cours Régionales étaient indépendantes et souveraines sur leur territoire (Art.L210-1), jusqu’en 2001.
Elles supervisaient et contrôlaient les comptables des collectivités territoriales de leur ressort.(Art.L221-1)
Elles jugeaient au 1er degré (en fait et en droit), rendant leurs décisions « définitives » (donc immédiatement applicables ).
Il était malgré tout possible de saisir la Cour des Comptes de Paris, en appel, sans effet suspensif de la décision. (Article L111-1 version 1994).
Techniquement, dans l’ordre judiciaire (Article 539 du code de procédure civile), l’Appel est suspensif, sauf rédaction contraire dans le corps de la décision… Ce qui donnait un poids supplémentaire aux décisions de ces autorités.
La force de la décision rendue étaient donc différente entre l’ordre judiciaire et l’ordre financier.
En 2001, l’article L111-10 avait organisé la dévolution hiérarchique entre la Cour à Paris et celles des Régions.
Les Cours Régionales se trouvent intégrées à la Cour des Comptes de la République, sans remettre en cause le caractère définitif de leurs décisions.
Les Chambres Régionales des Comptes, à compter du 1er janvier 2009 :
Désormais, les Cours Régionales, sous le contrôle hiérarchique de la Cour, deviennent des Chambres Régionales et leurs arrêts deviennent des « décisions juridictionnelles ».
Il s’agit d’une intégration verticale permettant une homogénéisation des procédures et des analyses mais aussi, peu être, un mouvement des personnels (Art.L111-1 et Art.L111-10).
C’est également un amoindrissement de leur autorité puisque l’appel devient suspensif. Les procédures en recouvrement de sommes ou de sanctions envers des agents ou des élus devront attendre la décision de la Cour, dont il est facile de prédire l’engorgement, en cette période de « dégraissage des effectifs ». Le caractère suspensif sera un argument dilatoire pour échapper ou du moins retarder, l’échéance de la certitude de l’exécution de la peine.
Les Cours Régionales deviennent des Chambres Régionales des Comptes c’est à dire des agents locaux de la Cour des Comptes de la République pour sa propre compétence d’audit et de contrôle des administrations de l’Etat implantées en région, sans possibilité de choix.
Malgré tout, une recherche de « mise à niveau » eu égard aux autres juridictions, s’instaure à travers la rigueur procédurale, édictée par des décrets du Conseil d’Etat (fixant les délais pour chaque étape avec des moyens coercitifs) et non plus par de « simples réglements » selon l’ancienne mouture.
Par exemple : les articles L131-1 et L231-1 où les délais sont fixés par décret du Conseil d’Etat.
Cependant, la réforme se concentre uniquement sur les seuls comptables publics, en titre ou de fait, pour des faits bénéficiant d’une prescription décennale, à compter de la saisine de la cour ou la chambre.
Si le délais de prescription demeure, l’auto-saisine de la chambre régionale n’est plus possible (art.L231-3 version abrogée contre le nouvel article). C’est le signe qu’elle fonctionne selon le droit commun des juridictions mais l’opportunité de la saisine se pose avec le projet de réforme du parquet, seul habilité à saisir son collègue spécialement rattaché à la juridiction financière.
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Réforme actuellement en discussion au parlement :
Il existe, à mon sens, une échelle des pertinences dans ce projet de réforme.
Les dispositions recevables :
Il s’agit d’unifier les juridictions financières qui jusqu’à présent séparaient comptables et ordonnateurs. Il s’agirait de fondre la Cour de Discipline Budgétaire et Financière dans la Cour des Comptes. C’est de la simplification de structure et de rationalisation des coûts.
Pour ce qui est des justiciables, pas de véritable révolution. Ils sont statutairement cités. On ne retrouve plus dans cette liste la notion de « comptable de fait » qui permettait de rendre justiciable quiconque manipulait des fonds publics sans droit ni régularité et élargissait la compétence de la Cour Régionale, pour une meilleure protection des intérêts publics.
Les dispositions préjudiciables :
La Cour des Comptes disposerait d’une nouvelle compétence : évaluer les politiques publiques. C’est suffisamment vague pour frôler le procès « politique », selon l’interprétation et les personnes justiciables. Il me semble par ailleurs qu’il existe d’autres organismes statisticiens et autres qui se penchent sur les évaluations de tel ou tel dispositif.
Le premier ministre pourrait également la saisir pour faire le pendant au parlement. Ce qui me laisse craindre la politisation des procès sur les élus locaux ou les « adversaires » politiques.
Par contre, concernant la saisine par les parlementaires, la possibilité d’éclairer les commissions des deux chambres est réduite. Le projet prévoit l’accord des deux présidents du parlement pour qu’elle soit recevable. C’est une atteinte à l’équilibre du parallélisme et donc une possible atteinte à la démocratie, selon la composition bicamérale.
De plus, la Cour serait habilitée à certifier les comptes des collectivités et des services publics.
Or, d’éminents spécialistes ont souligné la difficulté à certifier des postes comme les éléments immobiliers de la classe 1. Car comment évaluer un bâtiment dédié à un service public, appartenant de longue date à une administration ou à une collectivité, impossible à déclasser, sauf dépenses abyssales, pour le rendre à un usage « civil »?
C’est là la limite d’une telle exigence issue du monde marchand. La transposition n’est même pas pertinente… La gestion des biens par le service des domaines répond à des règles spécifiques.
Les dispositions ouvertement contestables :
Certaines dispositions, en matière de sanction, par exemple, sont clairement contestables. Ainsi, à l’article L. 131-15 (ancien L. 313-1), le maximum de l’amende est diminué de moitié (Base : une année de traitement) et, comme dans tous les articles, le plancher d’amende est supprimé (en l’espèce 150 €). Idem pour l’article L 313-13.
C’est en totale contradiction avec la politique pénale des sanctions qui impose aux magistrats des peines « planchers », notamment en cas de récidive… Mais c’est hélas coutumier en matière de délinquance financière, comme le révèle les divers toilettages à l’égard de la délinquance en « col blanc ».
De même, est critiquable la réduction du nombre de chambres régionales, passant de 22 à 17 implantations. Une première justification est la baisse constante des effectifs de ce corps magistral alors même qu’ils sont nommés par décrets du président de la République (article L221-1)…
Une seconde explication est le manque d’homogénéité des territoires qui n’autoriserait pas une comparaison fine des collectivités par la Cour des Comptes, alors que les services de Bercy dressent sans difficultés des statistiques à périmètre comparable des budgets des diverses collectivités … (cf. le site « minefi », celui de la DGCL ).
L’argument n’est absolument pas pertinent.
Par contre, la conséquence immédiate de cette réduction d’implantation est l’allongement des instructions et des contrôles, rendant inefficaces les travaux des magistrats. Là encore, c’est une atteinte au contrôle démocratique.
Egalement, le monopole de recrutement des magistrats au sein de la seule ENA est contestable d’autant qu’il est prévu de recourir à des experts financiers extérieurs, tels les commissaires aux comptes, peu familiarisés avec les finances publiques, générant des sûr-coûts pour cette administration …
La référence à l’économie d’échelle de l’exposé des motifs du projet de loi devient caduque.
Il faut donc conserver :
- les 22 Chambres régionales et leur allouer du personnel.
- le caractère définitif de leurs décisions, ou à tout le moins, organiser une consignation des sommes dues dans l’attente de la décision rendue en appel par la Cour .
- une recherche de diversité des compétences en interne en formant des experts financiers au sein de la magistrature financière.
http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006070249&dateTexte=20091128
Merci Mamouchka pour ce tableau et propositions sur les juridictions financières.